DOUKAKAS NZIENGUI

Décédé le 12 décembre 1989

Portrait réalisé par Philippe Makinalok pour Info241

Entrée en matière

Originaire de la province de la Ngounié, Doukakas Nziengui était cadre de la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG) et parallèlement, Directeur Général d’une petite entreprise qu’il avait créée avec l’ex député de la commune de Ndéndé, Monsieur Moukagni Mapangou Mouètsa.

Marié à deux épouses et père d’une famille de onze enfants, Doukakas Nziengui était un homme au grand cœur aux dires de ses proches.

C’est à l’occasion des voyages que Doukakas effectuait en France, pour rendre visite à sa fille hospitalisée à Lyon, que son neveu Pierre Mamboundou, fonctionnaire international à l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), confie à son oncle qu’il a des contacts avec certains hommes politiques français. Doukakas Nziengui, sceptique quant à cette solution, va plaider pour la création d’un parti politique.

Doukakas Nziengui et Pierre Mamboundou trouveront un consensus qui va tenir compte des deux approches.

Pierre Mamboundou était chargé de prendre les contacts en France y compris des moyens militaires. Doukakas Nziengui quant à lui, avait la charge de recruter dans ses nombreuses relations des cadres capables de travailler clandestinement pour la création d’un parti politique.

Le 14 juillet 1989 Pierre Mamboundou annonce la création de l’Union du Peuple Gabonais (UPG) sur les antennes de France 5 à Paris, alors que la constitution gabonaise consacrait le monopartisme d’État.

L’Union du peuple gabonais se fait connaître dans l’opinion dès 1989 en inondant les villes du pays de tracts, fax et télex appelant les gabonais à réclamer le retour du multipartisme et de la démocratie pluraliste.

Un décès aux contours non élucidés

Le 25 septembre 1989, Doukakas Nziengui est arrêté pour tentative de coup d’Etat par des agents du CEDOC.

Sans mandat de perquisition, son domicile est mis à sac. Plusieurs effets personnels vont être emportés et ne seront jamais restitués à sa famille. De même, plusieurs membres de sa famille et de ses proches vont être arrêtés arbitrairement, puis forcés ainsi à l’exil pour certains.

Doukakas Nziengui a été torturé en prison après son arrestation arbitraire.

Les circonstances de son décès restent encore aujourd’hui non élucidées : il aurait été enterré vivant au cimetière de Mindoubé de Libreville, le 12 décembre 1989. Il y aurait été conduit dans un sac logé dans la malle arrière d’un véhicule, après avoir été tabassé par ses bourreaux. Et cela quelques semaines avant le procès.

Les policiers du régime n’auront obtenu de sa part que les propos suivants : « Je reconnais avoir rencontré des sujets Français, sur recommandation de mon neveu Pierre Mamboundou pour affaires. Il n’a jamais été question d’un coup d’Etat. »

Officiellement, Doukakas Nziengui trouve la mort dans des conditions mystérieuses à la prison centrale de Libreville. Les autorités ayant catégoriquement refusé de pratiquer toute autopsie en présence de la famille pour déterminer les causes réelles du décès, il est naturel de s’interroger sur les raisons de cette attitude.

Alors que toutes les personnes incarcérées dans le cadre de cette affaire d’Etat ont été acquittées, la mémoire de Doukakas Nziengui n’a jamais été réhabilitée.

La colère de ses enfants pour le devoir de vérité des autorités gabonaises

Gyldas Doukakas, fils du regretté opposant s’exprime en ces termes : « S’il est vrai que le Gabon reste encore un pays de droit, alors le droit sera dit un jour, la vérité sera établie dans son intégralité et la justice sera rendue. C’est un fait. Jusqu’à ce jour prochain, nous avons l’obligation morale de ne JAMAIS oublier l’homme et le souvenir du juste combat qu’il a souhaité mener pour un Gabon plus juste et plus honorable. »

Dans le même son de cloche, un autre fils plus prolixe Parfait Doukakas, a exprimé la veille de cette commémoration : « demain cela fera, jour pour jour, 26 ans que disparaissait à la prison centrale, le détenu politique Doukakas Nziengui. Arrêté le 25 septembre 1989 par les agents du CEDOC quelques semaines après la déclaration officielle faite par Pierre Mamboundou sur les antennes de France 5 à Paris qui annonçait la création de l’Union du Peuple Gabonais (UPG). »

Avant de renchérir, «  le gouvernement de l’époque pour justifier cette arrestation brandissait l’argument selon lequel Pierre Mamboundou et Doukakas Nziengui voulaient déstabiliser les institutions de la République. Mais, faute des preuves, toutes les personnes arrêtées, à cause de cette affaire, seront acquittées sauf bien sûr Doukakas Nziengui qui succomba à la suite des violentes tortures le 12 décembre 1989, c’est-à-dire quelques mois avant le procès. »

Le fils de Doukakas dénonce une injustice et une pratique flagrante de l’abus du pouvoir d’Omar Bongo : « pour déterminer les causes de son décès, le gouvernement de l’époque ordonna au médecin de pratiquer une autopsie sur son cadavre sans l’avis des parents et sans accepter la moindre contre-expertise que réclamait la famille. »

À ce jour, l’assassinat de Doukakas Nziengui, demeure un crime non élucidé et impuni

Doukakas Nziengui appartient à la catégorie de tous les hommes et toutes les femmes qui ont payé de leur vie, le prix de leur engagement politique pour avoir défendu avec conviction, la démocratie, la justice, les libertés individuelles et collectives, ainsi le bien-être collectif au Gabon.

Une présomption d’innocence bafouée allègrement au nom de la raison d’Etat

Evoquant la présomption d’innocence foulée au pied par le pouvoir d’Omar Bongo, Parfait Doukakas rappelle l’esprit de la loi en vigueur au Gabon, contenu au sein des droits de l’homme universels que « toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. C’est un principe du droit positif gabonais. Doukakas Nziengui détenu politique tué avant procès, n’a pas pu bénéficier de la présomption d’innocence. La vérité n’a pas de tombe ».

La disparition de Doukakas Nziengui restera à jamais une énigme douloureuse pour sa famille qui n’a pas réussi à faire son deuil. Il restera parmi les victimes d’un régime politique gabonais qui brilla par la torture et l’irrespect de la présomption d’innocence pourtant reconnu par le pays comme un droit fondamental de tout accusé que fut-il.