Germain MBA NGUEMA NSA
15 Décembre 1932 – 17 septembre 1971
Portrait réalisé par Samperpode MBA
Naissance et parcours scolaire
Germain Mba Nguéma Nsa est né le 15 décembre 1932 à Ebam-Ayong. Mais ses parents s’installent au lieu-dit « Alarmitang », sur la route de Donghila près de Ntoum, dans l’actuelle province de l’Estuaire. Et c’est dans ce village qu’il grandit.
Le garçon est brillant. Il passe sans difficulté aucune ses classes primaires. Il décroche son Certificat d’Études Primaires Indigènes (CEPI) et entre par voie de concours à l’Ecole Primaire Supérieur (EPS) de Libreville en 1946.
« Cet établissement qui se trouvait sur les lieux qui abrite aujourd’hui le Ministère de l’Éducation nationale, offrait à ses élèves la possibilité d’être boursier. Comme beaucoup de ses camarades, Germain Mba reçoit une bourse de 300 frs cfa par mois ».
En 1947, il rejoint la France pour ses études secondaires grâce à un concours organisé au sortir de la Deuxième Guerre mondiale par le ministère français de l’Éducation dans toutes les colonies.
C’est ainsi qu’à l’instar d’Eloi Chambrier, Elias Obiang, Emile Kassa Mapsi, Gaston Bouckat bu Nziengui et Valentin Mihindou mi Nzamba, ils vont se retrouver dans les collèges et lycées de France.
Carrière politique
Il se lie surtout d’amitié avec Bonjean Ondo. Les deux hommes sont d’une grande complicité. Avec lui, il partage ses joies et ses souffrances. Pendant ces années d’après-guerre, Germain Mba fait une belle rencontre. Celle du jazz. Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Louis Armstrong et Charlie Parker le séduisent. Le Jazz est fait pour les esprits brillants, dit-on à cette époque. Il est un esprit brillant qui apprécie surtout la compagnie des autres Gabonais de France. C’est avec eux également que Germain Mba se forme à la vie associative et politique. Il va devenir d’ailleurs un membre influent de l’Association des Etudiants Gabonais (AEG) devenue plus tard Association Générale des Etudiants Gabonais (AGEG) fondée par Léon Augé. Cette association qui a été la première à réunir les ressortissants d’une même colonie en France va être membre fondateur de la célèbre Fédération des Etudiants d’Afrique Noire de France (FEANF).
Le cursus scolaire de Germain Mba le conduit à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. En ce sens, il est le premier Gabonais diplômé de Sciences Po. Il obtient ensuite une licence de droit à Paris 1 Sorbonne avant de décrocher à l’Ecole Nationale des Douanes et de Législation de Neuilly un diplôme d’études économiques.
Intéressé par la politique et virulent vis-à-vis de la métropole, il crée avec d’autres Gabonais tels que Jean-Pierre Nzoghe Nguema, le Mouvement Gabonais d’Action Populaire (MGAP) et milite pour le NON au référendum de 1958.
En 1957, Germain Mba Nguema épouse Anne Françoise Delbreil en première noce avec qui il a 4 enfants : Myriam, Françoise, Jean et Michel. Plus tard, en deuxième noce, il va épouser Martine Oyane à Libreville. Celle-ci lui a survécu 43 ans.
Germain Mba rentre au Gabon, au lendemain de son accession à l’Indépendance. Son parcours milite en sa faveur et le Gabon tient à ses compétences. En 1962, il est alors envoyé à l’Union Africaine et Malgache (UAM) où il occupe le poste de Secrétaire Général adjoint aux côtés de Diallo Telli. Il a 30 ans.
Il démissionne avec fracas en février 1964 pour dénoncer l’intervention militaire de la France au lendemain du coup d’Etat contre Léon Mba alors même que cette France n’était pas intervenue pour sauver la tête de Sylvanus Olympio du Togo ou de l’abbé Fulbert Youlou au Congo. Dans le gouvernement provisoire nommé par Jean-Hilaire Aubame au soir du 17 février 1964, Germain Mba occupe le poste de Ministre de l’Intérieur.
L’exil
Il quitte le Gabon. Il engage une carrière de journaliste et occupe le poste de Rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique. Il publie à cet effet des articles qui donnent une idée de son engagement à venir.
« En restaurant par les armes le régime de Mba et de ses incapables, de Gaulle n’a fait que reculer une issue fatale, car à ceux qui s’interrogent sur » les risques de rebondissement « , nous disons : » La dernière manche n’est pas jouée. «
» On nous objectera, peut-être, qu’avant l’initiative de de Gaulle il y eut » l’appel aux Anglais » lancé par MM. Nyerere, Obote et Kenyatta. Mais aucune mesure n’est commune aux deux situations. Au Kenya, au Tanganyika et en Ouganda, il s’agissait d’une mutinerie de soldats qui revendiquaient l’africanisation des cadres. Bien mieux, MM. Nyerere, Obote, Kenyatta restent d’authentiques héros des indépendances de leurs pays. Kenyatta, on le sait, a combattu durant des années, a vécu dans les prisons anglaises pour voir son pays libre. Peut-on en dire autant de Léon Mba ?
» … Le défi de de Gaulle à l’Afrique tout entière ne saurait rester sans réponse. Voilà pourquoi nous continuerons le combat jusqu’à la victoire finale pour l’édification d’un Gabon libre, d’un Gabon africain pouvant apporter sa véritable contribution à l’édification de l’unité et de la dignité de notre continent ; nous continuerons le combat pour que l’Afrique sache qu’il ne s’agissait pas d’une mutinerie des officiers, mais d’une action révolutionnaire décidée même à braver, puisqu’il le faut, le paternalisme de de Gaulle. »
Extraits du texte envoyé au journal Le Monde par Germain MBA, publié le 29 février 1964
En 1965, il entre dans la clandestinité alors que Léon Mba lance une « chasse aux sorcières » et que les militants de l’UDSG de Jean-Hilaire Aubame sont recherchés. Il se réfugie en Algérie où Ben Bella accueille volontiers les hommes qui veulent déclencher la révolution dans leurs pays. Il prend le nom d’Omar Ben Ali et fonde le Mouvement National de la Révolution Gabonaise (MNRG). A la chute de Ben Bella, il se retrouve à Accra puis à Brazzaville. Le MNRG prend de l’ampleur avec les Marc Saturnin N’nang Nguéma, Gaubert Obiang, Pierre-François Obiang Bilié et Marc Mba Ndong. Mais les tentatives de lancement d’une guérilla ou de coup d’Etat, notamment lors du défilé du 17 août 1966, échouent.
Assassinat de Germain MBA
Quand Léon Mba meurt en 1967, Albert Bernard Bongo invite à la réconciliation et à la construction. Germain Mba revient donc au Gabon. Il est d’abord conseiller du nouveau chef d’Etat chargé des questions économiques et commerciales. Il reprend ensuite sa carrière de diplomate. Il est envoyé comme ambassadeur en République Fédérale d’Allemagne (RFA) en 1969. Puis en 1970, il est envoyé au Japon. Malgré ce rapprochement avec le pouvoir, il ne cache pas ses ambitions pour un Gabon démocratique.
En août 1971, il revient au Gabon pour des congés. Le 17 septembre de cette année, alors que se prépare au Gabon une nouvelle élection présidentielle à laquelle il projette d’être candidat, il est abattu en pleine rue à Libreville, par deux mercenaires blancs, à coups de pistolet qui emportent son corps. Son corps ne sera jamais retrouvé. Germain Mba vient d’être assassiné sous les yeux de sa femme et sa fille qui elles seront grièvement blessées. C’est le premier assassinat politique de l’époque du Parti unique.
Selon Pierre Péan dans son livre Affaires africaines, paru en 1983 aux éditions Fayard, l’assassinat de Germain Mba aurait été l’acte du mercenaire français Bob Denard sur ordres du président Omar Bongo qui le considérait comme un dangereux rival. Et à ce jour, cet assassinat n’a jamais été élucidé. Le corps de Germain Mba n’a jamais été retrouvé.
Deux ans après l’assassinat de Germain Mba, Omar Bongo organise une première élection présidentielle en février 1973. Seul candidat, il est élu avec 99,6% des voix.
Repères bibliographiques
PUBLICATIONS
- « Julius Nyerere répond à 20 questions posées par Jeune Afrique », Jeune Afrique, no 250, 10 octobre 1965, p. 7-9.
- « On revient de loin ». Jeune Afrique, no 253 (31 octobre 1965), p. 8.
Pour aller plus loin
À lire
- Le Mouvement National De La Révolution Gabonaise 1964 – 1971, Nicolas Metegue N’Nah, Revue du Cames en sciences sociales et humaines, Série B-Vol.03, N°002, 2001, pp.148-155
- Les violences politiques au Gabon (1960-1994), Nadège Tatiana Ngolo Diramba, dans Revue Gabonaise d’Histoire et Archéologie, n°1, 2012
- Presse d’opinion et luttes politiques en Afrique francophone. Le Gabon de 1922 à 1990, Arthur Sabi Djaboudi, Paris, Publibook, 2018, 372 p., pp 163-164
À consulter
- Mémoire Sauve Gabon, https://memoiresauveblog.wordpress.com