Noël-Aimé NGWA NGUEMA
25 décembre 1933 – 2 mars 2015
Portrait réalisé par Désiré-Clitandre Dzonteu pour GabonReview
Le condensé d’une vie consacrée à la liberté et à la vérité
Noël-Aimé Ngwa-Nguéma est né le 25 décembre 1933 à Lambaréné, au Gabon. Après des études supérieures aux séminaires de Brazzaville et de Strasbourg, il obtient une licence ancien régime en théologie, en philosophie, puis un doctorat de 3e cycle en lettres modernes à l’université de Strasbourg. avant de rentrer, en 1970, au Gabon. Là, il est consacré curé de paroisse, aumônier d’Action catholique et enseigne dans plusieurs établissements, notamment les collèges Bessieux et Quaben de Libreville et l’Université Omar Bongo.
La missive du Saint Père à l’occasion du jubilé des 50 ans de sacerdoce de l’abbé Noël constitue une reconnaissance du parcours de l’homme d’Église, empreint de foi, de conviction et de courage.
Noël Aimé Ngwa Nguéma est l’auteur de quelques livres : « Melan et Christianisme », « Choisir de dire la vérité », « Voyage initiatique » et « Le prix de la liberté ». Son éditeur, L’Harmattan, le décrit comme quelqu’un à l’écoute de l’Evangile, porte-voix des « petits » de son pays, prêtre habité par le souci de la justice et de la liberté.
« Tu m’as appris hier qu’un homme se distinguait par la maîtrise de la parole : il doit réfléchir avant de parler et, lorsqu’il a donné sa parole, il ne doit plus la reprendre. Il doit respecter les interdits et se montrer courageux », écrivait Noël Aimé Ngwa Nguema. Ce prêtre « dans l’Eglise et dans la société », s’engage aussi résolument sur le plan politique, pour le retour de la démocratie multipartite au Gabon.
Un homme de Dieu engagé
Avec d’autres membres du Mouvement de redressement national (Morena ; parti de l’opposition au régime de parti unique), il est arrêté en 1981, au terme des événements dits de la Gare routière à Libreville. Condamné lors du Procès dit du Morena, il ne sera libéré, avec ses compagnons, qu’en 1988.
Par obéissance à sa hiérarchie ecclésiastique, Noël Aimé Ngwa Nguema accepte alors son affectation à Nzeng Ayong, alors périphérie de Libreville, avec mission de fonder une paroisse, celle du Cœur Immaculé de Marie.
Père de l’aide publique à la presse
Après la conférence nationale de 1990 qui instaure le multipartisme et la liberté d’expression, l’abbé Noël Ngwa s’illustre, à partir de 1992, comme directeur du journal Misamu, qu’il affranchit de la tutelle politique du Morena, pour en faire un journal d’analyses, qui se distingue par son professionnalisme. Il reçoit, en 2000, le prix «Presse et démocratie en Afrique» décerné par le quotidien la Tribune de Genève, sous l’égide de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED).
Ce prix récompense un journal francophone «pour son engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, et sa capacité à créer un espace de débats entre gouvernants et société civile, et à lutter contre l’intolérance raciale, tribale et religieuse».
Fierté nationale, l’abbé Noël Ngwa se bat ensuite pour l’obtention de la subvention annuelle de soutien de l’Etat à la presse écrite gabonaise. Ce qui lui vaut le surnom de «Père de l’aide publique à la presse» Interdit d’action politique par le clergé, il n’est pas moins arrêté, en septembre 2005, avec une autre figure de l’opposition, Marc Saturnin Nan Nguéma du Congrès pour la démocratie et la justice (CDJ), au demeurant son neveu, sous le prétexte de détention d’armes de guerre.
Ce sera le dernier fait marquant de sa longue lutte politique, même si deux ans avant, en août 2003, il est convoqué au palais présidentiel par Omar Bongo qui se montrera physiquement violent envers le curé qui en est revenu avec une blessure au tibia, conséquence d’un coupe-papier que lui avait enfoncé Omar Bongo. « L’abbé Noël molesté à l’Olympe », titre alors l’hebdomadaire Le scribouillard. Dans les faits, l’abbé avait prêté les locaux de Misamu à un journal naissant et éphémère de ce fait, Sub-Version, qui s’en était pris à Edith-Lucie Bongo au point de susciter la colère de son époux de chef d’Etat. L’homme d’église avait alors préféré endosser plutôt que livrer les jeunes journalistes.
Prêtre, écrivain, éditorialiste, opposant historique, l’abbé Noël Aimé Ngwa Nguema est décédé des suites d’une longue maladie qui l’avait d’ailleurs condamné à la chaise roulante, le 2 mars 2015 à Libreville.
Repères bibliographiques
PUBLICATIONS
- L’image négro africaine, sous la direction de Michel Mansuy, Thèse de 3e cycle, Université de Stasbourg 2, 1977
- Choisir de dire la vérité : Ma lutte pour la liberté et la justice, Éditions Anne Sigier, 1991, 160 p.
- Le prix de la liberté, L’Harmattan, 2007, 135 p.
- Voyage initiatique, L’Harmattan, 2008, 252 p.
- Melan et Christianisme ; fondement de la tradition Fang, Noël – Aimé Ngwa Nguema, Simon-Pierre E. Mvone-Ndong, L’Harmattan, 2011, 160 p.
Pour aller plus loin
À lire
- Gabon : Déni de justice au cours d’un procès, Amnesty International, 1984, 109 p.
- Rites initiatiques gabonais à la rencontre de l’évangile. Noël Ngwa-Nguéma. Le débat sur l’inculturation et sur la nouvelle évangélisation du Gabon, 20 ans après, Simon-Pierre E. Mvone Ndong, L’Harmattan, 2020, 272 p.