LE GABON : UNE RÉPUBLIQUE ?

Selon le récit national, le Gabon est une ancienne colonie française, devenue indépendante le 17 août 1960.

Le Gabon, ayant finalement choisi le statut d’Etat membre de la Communauté, adopte une première Constitution en 1959, sous l’autorité de Léon M’Ba. 

A la suite de la proclamation de l’indépendance, le 17 août 1960, une deuxième constitution est promulguée et aussitôt suspendue. Léon M’Ba fait alors adopter une troisième Constitution (régime hyper présidentiel) en février 1961. 

Lorsqu’il décéde le 28 novembre 1967, Albert-Bernard Bongo, vice-président depuis le 14 novembre 1966, lui succède constitutionnellement et renforce le régime autoritaire déjà instauré.

Il règne sans partage sur la vie politique gabonaise, aidé de son parti-état, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), créé en 1968, seul parti politique autorisé jusqu’en 1990.

CONTEXTE

Depuis les années 1990 donc, chaque élection présidentielle est l’occasion pour le clan bongo (un ensemble de familles politiques qui dirige le Gabon), de frauder et de massacrer la population afin de conserver le pouvoir.

Depuis l’indépendance, en 1960, tous les scrutins ont été remportés par le parti au pouvoir tant avec le Bloc Démocratique Gabonais (BDG) sous Léon M’Ba, en 1961 et 1967 ; que sous Omar Bongo (1973, 1979, 1986). 

Au début de 1990, le Gabon est secoué par une vague de contestations, qui prend son origine chez les étudiants. Le gouvernement de l’époque exerce une répression, mais c’est sans compter sur la détermination de la population.

Une conférence nationale est convoquée du 27 mars au 21 avril. Elle mène à la création d’un gouvernement transitoire dirigé par Casimir Oyé Mba. Le 22 mai 1990, le multipartisme est adopté.

Le 23 mai 1990, Joseph Rendjambe, secrétaire général du Parti gabonais du progrès, est retrouvé mort dans une chambre d’hôtel à Libreville. Son assassinat fait éclater des émeutes à Libreville et à Port-Gentil, ville pétrolière. Les intérêts et les ressortissants français sont attaqués, les troupes françaises interviennent. Une sévère répression précède le retour au calme.

En mars, la Constitution de 1991 consacre le retour au multipartisme, instaure une élection présidentielle à 2 tours et un mandat présidentiel de 7 ans renouvelable une fois. 

Au fil du temps, ces dispositions ont été modifiées pour faire disparaître le jeu démocratique.

L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU GABON : UN OUTIL DE CONSERVATION DU POUVOIR

Au Gabon, l’élection présidentielle n’a jamais eu pour objectif de laisser le peuple choisir librement son dirigeant et cela, avec la bénédiction de la Cour Constitutionnelle, des observateurs internationaux et de la douce France. L’élection présidentielle au Gabon n’est qu’une réélection ad vitam aeternam du candidat Bongo. Malheur à vous si vous contestez ce résultat, votre rançon sera la mort.

  • Élection présidentielle du 5 décembre 1993

Deux ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, le 5 décembre 1993, le Gabon organise une élection présidentielle à plusieurs candidats (12). Le ministre de l’Intérieur annonce la victoire d’Omar Bongo avec 51,2 % des voix, face à Paul Mba Abessole, candidat du Rassemblement national des bûcherons, une des composantes de la Coalition des forces du changement.

Ce résultat est fortement contesté par l’opposition qui exprime son mécontentement dans les rues. Cette contestation sera violemment réprimée. 23 civils sont tués selon le gouvernement.

Deux ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, le 5 décembre 1993, le Gabon organise une élection présidentielle à plusieurs candidats (12). Le ministre de l’Intérieur annonce la victoire d’Omar Bongo avec 51,2 % des voix, face à Paul Mba Abessole, candidat du Rassemblement national des bûcherons, une des composantes de la Coalition des forces du changement. 

Ce résultat est fortement contesté par l’opposition qui exprime son mécontentement dans les rues. Cette contestation sera violemment réprimée. 23 civils sont tués selon le gouvernement.

  • Élection présidentielle du 6 décembre 1998

En décembre 1998, Omar Bongo est déclaré vainqueur avec 66,55% des suffrages. Pierre Mamboundou (UPG) dénonce les résultats et introduit, comme Paul Mba Abessole, un recours en annulation ; ils sont déboutés.

  • Élection présidentielle des 25 et 27 novembre 2005

En 2005 Omar Bongo est déclaré vainqueur avec 79% des suffrages. Pierre Mamboundou conteste de nouveau, toujours sans succès, les résultats officiels. Le scrutin est marqué par une forte abstention.

Des échauffourées ont lieu entre les militants de l’UPG et les forces de l’ordre, on dénombre un civil tué à Libreville et trois à Port-Gentil, ville pétrolière et bastion de l’opposition. 

Le siège national de son parti situé à Awendjé dans le 4e arrondissement de Libreville est saccagé par des hommes encagoulés. Pierre Mamboundou est contraint de rester caché.

  • Élection présidentielle du 30 août 2009

Le décès d’Omar Bongo en 2009 entraîne une élection présidentielle anticipée qui se déroule le 30 août 2009. C’est la première sans la présence d’Omar Bongo, président de 1967 jusqu’à sa mort, le 8 juin 2009.

Le fils adoptif du président défunt, le ministre de la Défense Ali Bongo, est le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG). 

Ali Bongo est déclaré vainqueur avec 41,73% des suffrages le 4 septembre, puis confirmé par la Cour constitutionnelle après un recomptage le 12 octobre : avec 41,8 % des voix, contre 25,6 % pour Pierre Mamboundou de l’Alliance pour le changement et la restauration et 25,3 % pour l’ex-ministre de l’Intérieur André Mba Obame. 

Son élection est contestée par André Mba Obame et Pierre Mamboundou, encore une fois sans succès. Des émeutes éclatent à Libreville et Port-Gentil. La répression fait deux victimes selon les chiffres officiels du gouvernement, mais le bilan est bien plus lourd.

  • Élection présidentielle du 27 août 2016

Le 27 août 2016, le peuple gabonais s’étant mobilisé, c’est 627 805 électeurs qui sont appelés à voter dans environ 2 500 bureaux de vote. Alors que les tendances donnaient Jean Ping gagnant avec une avance de 60.000 voix, le système Bongo s’est de nouveau servi de la province du Haut-Ogooué, région dite d’origine de la famille Bongo, comme variable d’ajustement. En effet, Ali Bongo Ondimba y a été crédité de 95% des votes pour un taux de participation de 99,93%.

Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2016, c’est le quartier général de campagne de Jean Ping qui a été pris d’assaut par des forces armées gabonaises. Des dizaines de personnes ont été tuées, un millier de personnes a été arrêté et emprisonné (détentions arbitraires dans des conditions dégradantes, actes de torture). On compte encore aujourd’hui de nombreux disparus.

LA CONSTITUTION GABONAISE : UN INSTRUMENT DE CONSERVATION DU POUVOIR DES BONGO

En 1990 donc, une conférence nationale est organisée et exige l’instauration immédiate du multipartisme. Une période de transition débouche sur la rédaction d’une nouvelle Constitution, qui est adoptée le 26 mars 1991. 

Elle a été modifiée à plusieurs reprises pour satisfaire le désir insatiable de pouvoir du clan et faciliter la spoliation des ressources du Gabon par la France : 18 mars 1994, 29 septembre 1995, 22 avril 1997, 11 octobre 2000, 19 août 2003, 12 janvier 2011, et dernièrement le 17 janvier 2018.  Le 14 novembre 2018, c’est l’article 13 de la Constitution qui a fait l’objet d’une procédure exceptionnelle devant la Cour constitutionnelle.

  • Article 9 de la Constitution du 26 mars 1991

« Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois.

Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé, le deuxième dimanche suivant, à un second tour.

Seuls peuvent se présenter au second tour les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

Au second tour, l’élection est acquise à la majorité relative. »

La Constitution du 26 mars 1991 : 

  • instaure le quinquennat (mandat de 5 ans)
  • instaure le principe d’une élection présidentielle à deux tours 
  • limite les mandats présidentiels à une seule réélection (donc à deux mandats)
  • Article 9 de la Constitution du 18 mars 1994

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois.

Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche suivant la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle.

Seuls peuvent se présenter au second tour les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

Au second tour, l’élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés. »

La révision constitutionnelle du 18 mars 1994 : 

  • maintient le quinquennat
  • maintient le principe d’une élection présidentielle à deux tours
  • limite les mandats présidentiels à une seule réélection (donc à deux mandats)
  • Article 9 de la Constitution du 22 avril 1997

« Le Président de la République est élu pour sept (7) ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois (L. 1/97 du 22 avril 1997).

Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche suivant la proclamation des résultats par la Cour Constitutionnelle (L. 1194 du 18 mars 1994).

Seuls peuvent se présenter au second tour les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

Au second tour, l’élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés. (L. 1/94 du 18 mars 1994).

La révision constitutionnelle du 22 avril 1997 : 

  • supprime le quinquennat et instaure à nouveau le septennat
  • maintient le principe d’une élection présidentielle à deux tours
  • maintient la limitation des mandats présidentiels à une seule réélection (donc à deux mandats)
  • Article 9 de la Constitution du 19 août 2003

« Le  Président  de  la  République  est  élu  pour  sept  (7)  ans,  au  suffrage  universel  direct.  

Il  est  rééligible. L’élection est acquise au candidat qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. »

(L.13/2003 du 19 Août 2003)

La révision constitutionnelle du 19 août 2003 :

  • maintient le septennat
  • supprime le principe d’une élection présidentielle à deux tours
  • supprime la limitation des mandats présidentiels à  une seule réélection (mandats illimités)
  • Article 9 de la Constitution du 12 janvier 2018

« Le Président de la République est élu pour sept (7) ans au suffrage universel direct. Il est rééligible.

L’élection du Président de la République a lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux (2) tours.

Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant l’annonce des résultats, à un second tour.

Seuls peuvent se présenter au second tour du scrutin, les deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

En cas de désistement de l’un des deux candidats arrivés en tête au premier tour, celui-ci est remplacé par le candidat qui le suit dans l’ordre de leur classement après le premier tour du scrutin.

Est déclaré élu au second tour, le candidat ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés. »

La révision constitutionnelle du 12 janvier 2018 : 

  • maintient le septennat
  • maintient la réélection ad vitam aeternam
  • instaure à nouveau le principe d’une élection présidentielle à deux tours

VIOLENCE ET TERRORISME D’ÉTAT : LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ COMME INSTRUMENT DE CONSERVATION DU POUVOIR

L’armée ainsi que la police et la gendarmerie sont des instruments de terreur des populations. Leur usage abusif de l’armée devenue comme une machine de peur constitue l’un des instruments majeurs de la conservation du pouvoir par le clan Bongo.

  • Élection présidentielle du 5 décembre 1993

L’Union du lundi 13 décembre 1993

L’Union du mercredi 15 décembre 1995, p5

  • Élection présidentielle du 6 décembre 1998

L’Union du lundi 14 décembre 1998

  • Élection présidentielle des 25 et 27 novembre 2005

En 2005 Omar Bongo est déclaré vainqueur avec 79% des suffrages. Pierre Mamboundou conteste de nouveau, toujours sans succès, les résultats officiels. Des échauffourées ont lieu entre les militants de l’UPG et les forces de l’ordre, on dénombre un civil tué à Libreville et trois à Port-Gentil, ville pétrolière et bastion de l’opposition.

L’Union du samedi 3 et dimanche 4 décembre 2005

L’Union du lundi 5 décembre 2005

 

  • Élection présidentielle du 30 août 2009

L’Union du samedi 5 et dimanche 6 septembre 2009 page 8

L’Union du samedi 5 et dimanche 6 septembre 2009 page 10

L’Union du mercredi 23 septembre 2009

  • Élection présidentielle du 27 août 2016

Lien vers l’article : Gabon : «Tout le monde s’est jeté à terre, on tentait de se cacher sous les cadavres» – Libération (liberation.fr)

Lien vers l’article : Le Gabon s’enflamme après l’élection très contestée d’Ali Bongo – ladepeche.fr

Lien vers l’article : Gabon, la tricherie effacée dans le sang (marianne.net)

LE GABON EST UNE DICTATURE : VOTER TUE

Chaque élection présidentielle est entachée de fraudes et de violence. Le clan Bongo suit sa logique de conservation de pouvoir et émet encore le souhait de conduire le peuple gabonais à une énième mascarade électorale.

Tant que la Cour constitutionnelle aura à sa tête Marie-Madeleine Mborantsuo ; 

Tant que les forces de sécurité et de défense seront les instruments de violence et de terrorisme d’état ;

Tant que le Parti Démocratique Gabonais (PDG) aura une hégémonie sur l’ensemble de l’appareil étatique ;

Tant que la justice sera instrumentalisée ; 

Tant que les droits à la liberté d’expression ainsi que les droits les plus fondamentaux seront bafoués ;

Tant que la souveraineté du peuple ne sera pas respecté ; 

Au Gabon, voter conduira inexorablement à la mort.

Au Gabon, voter tue.

Ci-après, le témoignage d’une citoyenne gabonaise à la suite de l’élection présidentielle du 30 août 2009.

Pour aller plus loin…

La Françafrique électorale de 1990 à 2007, Régis Marzin, Paris, 23 octobre 2022

https://regardexcentrique.wordpress.com/2022/10/23/la-francafrique-electorale-de-1990-a-2007/

Constitution gabonaise de 1991 et nouveau constitutionnalisme, Jacques Bipele Kemfouedio , 2022

https://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=880

Gabon, un multipartisme de façade, Jocksy Ondo Louemba, 31 août 2017

https://mondafrique.com/gabon-multipartisme-de-facade/

Violences politiques postélectorales et incidences socio-économiques au Gabon : le cas des élections présidentielles (1993-2009), Rufin Didzambou, 2015, CAMES, 32 p.

http://publication.lecames.org/index.php/hum/article/download/326/211

Les « corps habillés » et les pratiques de répression ordinaire au Gabon, Perpétuation d’un ethos postcolonial et désespérance sociale de la troupe, Dans Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui, 2015, pp 209-219

https://books.openedition.org/pur/62431?lang=fr

Les violences politiques au Gabon (1960-1994), Nadège Tatiana Ngolo Diramba, Dans Revue Gabonaise d’Histoire et Archéologie, 2012, n°, 22 p.

https://labarcgabon.com/histarc_numero_1/Histarc_n1_ngolo_diramba.pdf

Pratiques électorales et reproduction oligarchique au Gabon, Analyses à partir des élections législatives de 2006, Lévi Martial Midepani, Dans Politique africaine 2009/3 (N° 115), pp 47-65

https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-3-page-47.htm

La Constitution gabonaise et son actualité, 50 ans après, Télesphore ONDO

https://www.editions-harmattan.fr/auteurs/article_pop.asp?no=17650&no_artiste=15361