Par : l’association Vision d’Afrique

À l’attention de : Monsieur ou Madame le Député à l’Assemblée Nationale Française

Date : 26 décembre 2017

Objet : Demande d’intervention

Monsieur (ou Madame) le Député,

Au nom de l’association Vision d’Afrique, qui regroupe en son sein des Africains et des binationaux franco-africains, nous nous permettons de vous écrire pour vous alerter sur  la situation politique et sociale du Gabon, qui est d’une extrême gravité. Cette situation découle de l’élection présidentielle du 27 août 2016, qui a vu le candidat du pouvoir, M. Ali Bongo, pourtant très largement battu dans les urnes, déclaré élu par la Cour Constitutionnelle. Le 31 août 2016, à l’annonce des résultats, les Gabonais sont spontanément et massivement descendus dans les rues de toutes les villes du pays, et même dans plusieurs pays étrangers, pour protester contre ce coup d’Etat électoral opéré par le régime en place avec la complicité des institutions de la République et l’instrumentalisation des forces de défense et de sécurité. Et tout cela, sous les yeux des représentants de l’Union européenne, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie, dépêchés comme observateurs électoraux. Ce mouvement de contestation a, malheureusement au Gabon, donné lieu à une violente  répression sanglante ayant occasionné plusieurs centaines de morts, de blessés, de disparitions forcées, d’arrestations et de détentions arbitraires. 

Le point culminant de ces massacres a été le bombardement, dans la nuit du 31 août au 1er septembre, du siège de campagne de M. Jean Ping, le véritable vainqueur de l’élection. 

Cette nuit-là, des militaires de la Garde présidentielle avec, à leur tête des coopérants français, ont transformé ce lieu, où étaient regroupées des milliers de personnes non armées, en une véritable zone de guerre. Aux environs de 1h du matin, des troupes à pieds appuyées par un hélicoptère de combat ont donné l’assaut, faisant des morts et des blessés par dizaines. Certains corps n’ont d’ailleurs à ce jour jamais été retrouvés, des soldats les ayant emportés. Après l’attaque, les militaires ont investi les lieux pendant plus de 72h, prenant par la même occasion en otage tous les survivants qui n’avaient pas pu s’échapper. 

Dans les jours qui ont suivi, les forces de défense et de sécurité ont continué les tueries, rafles et arrestations dans les domiciles privés. Plus d’un an après, il n’est toujours pas possible d’établir avec précision le bilan des victimes. Depuis lors, cette crise dont l’origine et les coupables sont bien identifiés n’a cessé de s’aggraver sur tous les plans. 

Au mois d’octobre 2017, lors des discussions entrant dans le cadre du Dialogue Politique Intensifié (DPI) engagé entre l’Union européenne et les autorités gabonaises, les représentants de l’UE ont insisté sur « la nécessité et l’importance de faire toute la lumière sur les violences post-électorales de 2016, passage obligé afin de rétablir la réconciliation entre tous les Gabonais et de garantir la stabilité durable du système démocratique. Également, l’UE a réitéré son appel et appui à l’organisation d’une enquête indépendante portant sur ces faits ». Malheureusement, sur ce point crucial, le pouvoir gabonais a opposé une fin de non recevoir.

Aussi, Monsieur (ou Madame) le Député, nous nous adressons à vous, pour vous prier de bien vouloir interpeler les autorités politiques françaises afin qu’elles appuient énergiquement et sans réserve les initiatives engagées par l’Union européenne en rapport avec la crise gabonaise. La France, nous le savons tous, est le premier partenaire du Gabon. A ce titre, elle peut jouer un rôle déterminant dans la manifestation de la vérité, car le siège politique de M. Jean Ping qui a été bombardé puis assiégé pendant près de trois jours se situant à moins de 500 mètres de la base militaire française (le 6ème BIMA), on peut aisément déduire que des militaires de cette garnison ont été témoins de ces tristes événements. En outre, il est clairement établi que des Français opérant dans les unités de la Garde républicaine gabonaise faisaient partie des assaillants. Ce qui, à notre sens pourrait, en plus des valeurs d’humanisme et de respect des droits de l’Homme, constituer un levier de nature à légitimer une intervention de la France.

Comptant sur votre ponctuelle diligence, nous vous prions d’agréer l’expression de nos remerciements anticipés ainsi que nos salutations distinguées.