Par : La Diaspora Gabonaise
À l’attention de : Bureau de l’Association des Cours Constitutionnelles ayant en Partage l’Usage du Français (ACCPUF)
Date : 23 novembre 2018
Objet : Coup d’État de la Cour Constitutionnelle Gabonaise : Nouvelle interpellation de l’ACCPUF
Mesdames, Messieurs,
Les récents événements majeurs déroulés au Gabon, dont l’indisponibilité du très contesté Président en exercice Ali Bongo Ondimba porté illégalement à la tête de l’Etat depuis le 27.08.2016, ont été une occasion de trop pour la Cour Constitutionnelle Gabonaise (ci-après la Cour, la CCG) de s’illustrer dans ce qu’elle maîtrise le mieux depuis 27 ans d’existence, la manipulation constitutionnelle au mépris des règles strictes de la Loi Fondamentale, socle de la République Gabonaise.
Pour dénoncer ces énièmes tribulations juridiques et afin d’en tirer toutes les conséquences possibles, la diaspora Gabonaise, représentée par l’ensemble des associations et organisations susmentionnées, rappellent leurs correspondances et mise en demeure, et réitèrent avec force, à l’Association des Cours Constitutionnelles ayant en Partage l’usage du Français (ci-après l’Association, l’Accpuf), leur demande de suspension immédiate de la CCG, pour violations caractérisées, manifestes et répétées des Statuts de l’Accpuf.
Sur le fondement de l’article 4.2 des Statuts de l’Association qui prévoit la suspension de toute Cour ne répondant plus aux exigences et règles des textes fondateurs, la Diaspora expose les éléments suivants.
Saisie par le Premier Ministre d’une requête en interprétation des articles 13 et 16 de la Constitution relatifs respectivement à la vacance du pouvoir et la tenue des Conseils des Ministres, la Présidente de la Cour, pour toute réponse, organise un véritable coup de force institutionnel !
Selon l’article 13 de la Constitution, « en cas de vacance de la Présidence de la République pour quelle que cause que ce soit », l’intérim est assuré par le Président du Sénat. Il exerce alors les prérogatives de Chef de l’Etat, à l’exception notamment de l’organisation de référendums (art. 18 Cons.) et de la dissolution de l’Assemblée Nationale (art. 19 Cons.). Si l’empêchement s’avère définitif, le Président de l’Assemblée est chargé de mettre en oeuvre les élections présidentielles dans les 30 à
60 jours, maximum suivant le constat de vacance du pouvoir. Le Vice-Président du Sénat assure l’intérim si le Président de la Chambre haute ne le peut.
Pour rendre sa décision totalement illégale, la Cour, estimant que le cas de l’indisponibilité temporaire du Président de la République n’étant pas prévu par l’article 13 sus-explicité, la Cour ajoute un alinéa ainsi libellé :
« En cas d’indisponibilité du Président de la République pour quelle que cause que ce soit, certaines fonctions dévolues à ce dernier, à l’exception de celles prévues aux articles 18, 19 et 109 al. 1er peuvent être exercées selon le cas, soit par le Vice-Président e la République, soit par le Premier Ministre, sur autorisation spéciale de la Cour Constitutionnelle saisie par le Premier Ministre ou un dixième des membres du Gouvernement, chaque fois que nécessaire ».
Cette réécriture de la Constitution appelle des remarques claires.
- Le Dévoiement de la procédure constitutionnelle de révision de la loi fondamentale
A l’article 1er de sa décision, Marie-Madeleine Mborantsuo précise « ajouter un alinéa » à l’article 13 de la Constitution. L’ajout d’un alinéa est une réécriture, une révision de la Constitution. Or il s’agit là d’une prérogative relevant exclusivement, en vertu de l’article 116 de la Loi Fondamentale, du Président de la République, du Conseil des Ministres entendu ou du Parlement. La Cour Constitutionnelle n’a aucune influence ni compétence en la matière.
Par cette réécriture de la Constitution, Marie-Madeleine Mborantsuo viole de façon caractérisée le principe fondamental de l’Etat de droit qu’est la séparation des pouvoirs. C’est une immixtion intolérable de la Haute Cour dans la production légale. Cela est d’autant plus inadmissible que le prétexte de la loi incomplète soulevé par la Cour est pour le moins fallacieux.
En effet, l’indisponibilité du Président de la République, aussi temporaire soit elle est prévue à l’article 13 de la Constitution à travers « la vacance pour quelle que cause que ce soit ».
Aussi le prétexte avancé par Marie-Madeleine Mborantsuo d’interprétation de la loi n’est absolument pas fondé légalement. En sus le privilège constitutionnel d’interprétation de la Constitution ne saurait être envisagé de façon extensive. L’interprétation de la loi se caractérise à travers la jurisprudence. Elle ne peut en aucun cas consister en l’ajout d’alinéas ou d’articles aux différents textes. Il en va non seulement de la pérennité de l’Etat de droit, mais aussi de la sécurité juridique des institutions et des citoyens. La Cour Constitutionnelle ne peut valablement prétexter de son rôle de garant du fonctionnement des institutions et d’interprète de la Loi Fondamentale pour en extrapoler la portée et se muer en constituant.
- « L’indisponibilité temporaire du Président de la République » une création artificielle
Comme indiqué supra, l’article 13 prévoit que soit envisagée l’organisation de l’intérim à la tête de l’Etat, « pour quelle que cause que ce soit ». Cette disposition doit, sans interprétation aucune ni ajout, être appliquée en l’état. Il n’y a pas de place pour l’improvisation.
Il s’agit pour la Cour de tenter autant que possible, de cacher au peuple gabonais la réalité sur l’état de santé d’Ali Bongo Ondimba et d’ainsi conserver le pouvoir entre les mains des tenants du régime.
- Le coup d’Etat institutionnel
Servant de caution légale à un régime dictatorial Marie-Madeleine Mborantsuo pousse les limites du possible au-delà de ce qu’il est admis d’entendre en la matière. En effet, certaines prérogatives présidentielles sont partagées entre le Vice-Président de la République et le Premier Ministre, mais uniquement sur autorisation de la Cour Constitutionnelle. La décision du 14 Novembre 2018 se trouve finalement être l’expression d’un état de fait au Gabon, la toute-puissance de la Cour Constitutionnelle. C’est elle seule qui décide du calendrier et de la mise en oeuvre des prérogatives présidentielles redistribuées.
Cette hérésie juridique est confirmée par le fait que les rênes du pouvoir sont notamment confiées au Vice-Président de la République alors que ce dernier perd ses fonctions en cas de vacance du pouvoir selon l’article 14e de la Constitution.
A l’heure actuelle, le vice-président de la République, M. Maganga Moussavou a perdu toute fonction. Son maintien à son poste se fait en violation flagrante de la Constitution et ne fait que confirmer les mauvaises intentions du trio régnant.
Ainsi le Gabon est présidé par une Cour illégale et illégitime, suppléée d’un vice-président de la République usurpant son poste et d’un premier ministre devenu illégitime du fait de l’absence d’Ali Bongo Ondimba.
- Portée de la décision du 14 Novembre 2018
Par cette décision illégale, Marie-Madeleine Mborantsuo prend un virage dangereux. Elle fait du Gabon un Etat « hors-la-loi » avec une présidente de Cour réelle Présidente de la République Gabonaise concentrant entre ses mains tous les pouvoirs. DU JAMAIS VU !
Au-delà de la question du tripatouillage de la Loi Fondamentale se pose l’ensemble des questions quant à la responsabilité à la tête de l’Etat.
Qui désormais assume la fonction de Chef Suprême des Armées (Article 22 Cons.) ?
Quid de la fonction de Président du conseil de la Magistrature et de ses prérogatives notamment en matière de nomination. (Art. 70 Cons.).
Qui dorénavant promulguera la loi ? (Art. 17 Cons.).
Qui engagera l’Etat dans les conventions internationales et sur les marchés financiers pour répondre au quotidien des gabonais comme le paiement des salaires des fonctionnaires ? (Art. 115 Cons.).
Comment se rembourseront les prêts souscrits par l’Etat et à quelle condition ?
Vous constatez à la lumière des éléments sus-analysés que la décision du Novembre 2018 de la Cour Constitutionnelle n’est qu’un coup d’Etat pour conserver le pouvoir entre ses mains.
Il est inadmissible pour le peuple gabonais d’accepter cette forfaiture de trop et de confier le destin de son pays à des individus qui n’ont jamais recueilli son suffrage et donc la souveraineté nationale.
En laissant prospérer Marie-Madeleine Mborantsuo dans cette cavalcade, vous endossez la responsabilité de complice et ne pourrez que rendre compte le moment venu.
Aussi c’est avec une certaine colère et amertume que la diaspora gabonaise exige de vos services une réaction non seulement publique pour dénoncer les agissements de Marie-Madeleine Mborantsuo, mais aussi la suspension sans délai de toutes les activités de l’Accpuf.
L’état des régimes d’Afrique Centrale membres de la l’Association prouve à suffisance votre complaisance, sinon complicité avec les régimes dictatoriaux et sanguinaires qui sévissent depuis des décennies. La situation du Gabon est l’occasion qui vous est offerte d’enfin vous distinguer et d’agir aux côtés des partenaires du Gabon engagés dans le processus de démocratisation de ce pays.
Les eurodéputés ont pris deux résolutions des 02.02.2017 et 14.09.2017 dénonçant l’illégitimité d’Ali Bongo Ondimba et réclamant des sanctions ciblées à l’encontre des pourfendeurs de l’Etat de droit en tête desquels se trouve assurément Marie-Madeleine Mborantsuo. (Copies ci-après).
Le Haut-Commissariat des Nations Unies à l’Indépendance de la magistratures et des avocats, sur le fondement du mémorandum adressé par le Collectif Gabon Démocratie, intitulé « La Cour Constitutionnelle pourfendeur de la Démocratie et de l’Etat de droit au Gabon », a sommé la Cour de s’expliquer sur les allégations de parcours frauduleux, gestions clandestines et opaques des scrutins et contentieux présidentiels électoraux et le train de vie indécent de Marie- Madeleine Mborantsuo, sans aucune commune mesure avec ses émoluments de Présidente de Cour et qui a donné lieu à Paris à l’ouverture de deux enquêtes préliminaires notamment pour détournements de fonds publics, escroquerie et abus de confiance. (copie en pièce jointe) ;
Nous entendons que vous tiriez les conséquences des agissements illégaux de la Cour sur le fondement des articles 3 et 4.2 de vos Statuts.
Avec ou sans votre concours, la Cour Constitutionnelle gabonaise tombera. Il vous revient de choisir si vous vous tiendrez aux côtés des instances internationales et du peuple gabonais ou suivrez la CCG dans sa chute.