
Par : La Société civile et la Diaspora (Gabon / France)
À l’attention de : BUREAU DU HAUT COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME ( HCDH )
Date :
Objet : L’aggravation des violations des droits humains dans le cadre de la crise post-électorale au Gabon

SOMMAIRE
Introduction
I – Contexte 2009-2016
II – Arsenal Juridique Gabonais en faveur de la protection des droits de l’Homme
III – Aperçu de l’état des lieux des violations des droits humains à compter de 2016
IV – Crimes, Enlèvements, Charniers
Conclusion
INTRODUCTION
Avant toute chose il convient de préciser que depuis son accession à l’indépendance le 17 08 1960, le Gabon n’a jamais connu de conflit armé de quelque nature que ce soit sur son territoire. Le Gabon a toujours été un exemple de stabilité en Afrique et dans la sous-région. Le peuple gabonais est donc un peuple totalement démilitarisé, qui tout au plus, a pu se soulever à certains moments critiques de son Histoire, pour réclamer le respect de ses droits et de la démocratie.
Malgré cette paix civile chère aux gabonais, un contexte de paupérisation aiguë et de dégradation des droits fondamentaux et primaires des individus s’est accru et accéléré au Gabon, notamment depuis le premier mandat présidentiel d’Ali Bongo Ondimba en 2009. Tous les indicateurs socio-économiques sont depuis au plus bas, soumettant les gabonais à une « violence d’État » sans pareil.
I – LE CONTEXTE 2009-2016
Comme indiqué supra, le Gabon subit ces dernières années, une crise socio-économique et politique sans précédent.
La réponse des pouvoirs publics est largement en deçà des attentes des gabonais et va même, contre son développement, si l’on considère le niveau de richesse dont dispose le pays.
♦ L’Éducation nationale
Droit de l’Homme dit de deuxième génération proclamé notamment par les articles 2-9-28 et 29 de la Convention relative aux Droits des Enfants et par l’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Engagements internationaux auxquels le Gabon est partie. On peut encore citer l’article 17 de la Charte Africaine des Droits des Peuples du 26 06 1981.
En état de quasi abandon, l’offre d’enseignement des autorités publiques ne correspond absolument plus aux élèves et étudiants gabonais. Classes surchargées, insalubrité manque d’infrastructures de base. Les années scolaires sont chaque année tronquées de plusieurs mois du fait de grèves générales en raison des conditions d’exercice et d’enseignement des plus spartiates, voire dégradantes. Ainsi les manifestations d’enseignants, mais aussi d’étudiants et d’élèves réclamant des bourses et autres conditions normales d’apprentissage, sont systématiquement matées, réprimées dans la violence et le sang.

♦ La santé publique
Elle est en totale déliquescence entraînant de nombreux morts chaque année pour défaut de soins ; en raison soit de l’absence de structure viable, soit de tarifs trop onéreux, soit du manque de professionnalisme des équipes médicales, mais surtout de l’irresponsabilité généralisée des pouvoirs publics et des établissements hospitaliers. Cette gestion de la santé publique est en totale contradiction avec notamment le droit à la protection de la santé tels que proclamé par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 en son article 25. Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 26,06,1981 en ses articles 11 /16.

Favorisant ce climat d’extrême tension, il y a aussi la démultiplication des « crimes dits rituels » ; ces crimes de sang perpétrés dans un climat de totale impunité, pour des commanditaires souvent connus mais toujours protégés. Ces crimes instaurant un climat de peur dans les cités aggravant le climat socio-économiques des plus tendus.


A cette violence institutionnalisée et quotidienne qui contrevient à l’ensemble des engagements internationaux du Gabon en matière de protection des droits de l’homme et des libertés publiques, s’ajoutent les violences physiques et violations des droits humains nés de la période électorale qui s’ouvre en 2016. Cette dénégation des droits élémentaires et fondamentaux atteint son paroxysme à compter de l’élection présidentielle du 27 Août 2016.
De nombreuses violations graves des droits humains (arrestations et détentions arbitraires, pressions, menaces et intimidations sur les activistes, actes de torture et assassinats) ont été commises lors de la crise post-électorale au Gabon provoquée par des manifestations populaires de contestation des résultats officiels annonçant Ali Bongo vainqueur en août-septembre 2016. Une violence encore jamais égalée puisqu’elle se traduit notamment par des pertes par centaines de vies humaines, contre un peuple totalement désarmé.
Aucune enquête n’a été diligentée à ce jour, permettant de faire toute la lumière sur les circonstances exactes de ces violences. En effet, l’entrée du territoire aux observateurs indépendants et aux missions internationales d’investigation a été interdite par les institutions gabonaises qui pourtant ont en charge la justice et la protection des citoyens. Ni aucune ONG internationale, ni aucune agence compétente des Nations Unies n’ont jusqu’alors été saisies.
De ce fait, ce début d’état des lieux des violations des droits humains est dressé à partir des sources photographiques des hôpitaux, de la morgue, et de la presse, de témoignages des personnes violentées et des membres de leur famille.
Signalons toute fois que des demandes d’enquêtes ont été adressées à la Cour Pénale Internationale. Nécessités d’instructions rappelées dans la résolution prise par les Eurodéputés de l’Union Européenne le 02 Février 2017.
Cf. annexe 2 Mission d’observation électorale de l’Union Européenne. Rapport Final -REPUBLIQUE GABONAISE.
II – ARSENAL JURIDIQUE GABONAIS EN FAVEUR DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Le Gabon a signé, adopté ou ratifié les principales chartes, conventions et déclarations l’engageant dans le rôle de garant et protecteur des droits humains.
Engagements internationaux / |
Engagements |
Dispositions mises |
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---|---|---|---|
La Charte des Nations Unies Adhésion Gabon 20.09.1960 | Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques | Art. 2 Respect des droits pour tous /Art 14. Egalité de tous devant la justice et procès équitable |
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La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme |
Art. 5 Interdiction de la torture / Art. 10 Liberté d’opinion et liberté religieuse / Art. Liberté d’expression / Art. 11 Droit à un procès équitable |
La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples |
Art. 4 Droit à la vie / Art. 5 Interdiction des traitements inhumains et dégradants/ Art . 7 Droit à un procès équitable / Art. 8 Liberté de conscience / Art. 16 Droit à la santé / Art 17 Droit à l’éducation / Art. 21 Droit à la disposition des richesses et ressources naturelles / Art. 23 Droit des peuples à la paix Art. 26 Indépendance des tribunaux |
La Convention relative aux droits de l’enfant du 20.11.1989 signée par le Gabon le 20.01.1990 et ratifiée le 09.02.1994 |
Art 2 Egalité des enfants / Art 9 Droit des enfants à vivre avec leurs parents / Art. 28 Droit à l’éducation sur la base de l’égalité des chances / |
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale signée le 22.12.1998 et ratifiée le 20.09.2000 |
|
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 | Art . 9 Interdiction détention arbitraire Art. 5 Interdiction de la torture et traitements dégradants. Art. 10 liberté de penser, Art. 11 liberté d’expression et de la presse. Art. 16 Concentration des pouvoirs contraire à l’Etat de Droit |
Accord de Cotonou Art. 8/9 et 96 |
Art . 9 Rappels des droits de l’Homme et droits fondamentaux qui sous-tendent les engagements des États partie l’Accord. Art. 96 Sanction de la violation de ces droits par un État membre |
Il est à préciser que la Constitution gabonaise intègre dans son bloc de constitutionnalité la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 ainsi que la Charte Africaine des Droits des Peuples de 1981. Elle confère ainsi à ces textes une valeur constitutionnelle, c’est-à-dire la valeur la plus importante dans la hiérarchie des normes. En outres, les traités et engagements internationaux ratifiés suivent directement la Constitution dans la pyramide des normes, obligeant, normalement les actions et réponses des pouvoirs publics à l’encontre de la population gabonaise. Mais force est de constater que cet arsenal juridique, s’il a le mérite d’exister, n’a aucune réalité effective à l’intérieur des frontières gabonais.
En effet, bien que faisant partie intégrante du droit positif gabonais, ces textes, du fait d’une part de leur ignorance par les gabonais, et d’autre part de la partialité de la justice gabonaise relèvent de la fiction pour le citoyen lambda.
III APERCU DE L’ETAT DES LIEUX DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS A COMPTER DE 2016
On peut dresser un état des violations enregistrées, en suivant notamment la séquence chronologique des étapes majeures du développement de la crise gabonaise.
♦ Les atteintes aux libertés publiques et les arrestations massives :
Le premier fait marquant est constitué par les refus de manifester quasi-systématiques des pouvoirs publics. Les seuls regroupements tolérés doivent se tenir au sein d’établissements privés, tels que la Chambre de Commerce, le collège-lycée Ntchoréré, etc. Ces refus systématiques des autorités de manifester sur la voie publique justifiaient pour les autorités un recours abusif et disproportionné à la violence des forces de sécurité. Lycéens, étudiants, syndicats, société civile, opposants politiques, etc. tous sont sous le feu de la répression.

Les arrestations massives opérées au début même des mouvements de contestation. A peine 48 heures après le début des manifestations, le nombre de personnes en état d’arrestation a oscillé entre 600 et 1000, selon les déclarations du Ministère de l’Intérieur, reprises par la presse. La radio internationale RFI parle d’un millier d’arrestations en une journée . A l’intérieur du pays, le nombre d’arrestations rapportées variera entre 200 et 300.
♦ Prisonniers politiques, prisonniers d’opinion et assignés à résidence :
Si la notion de prisonnier politique peut faire débat, on peut toutefois s’entendre pour le définir comme étant tout individu qui se trouve emprisonné pour avoir, par des actions violentes ou non, pris position contre des actes du pouvoir en place.
Le prisonnier d’opinion peut se définir quant à lui comme tout individu détenu en raison de ses opinions, de sa religion, de son ethnie.
Au Gabon, Prisonniers politiques et d’opinions se confondent tant les acteurs inscrits dans le processus démocratique sont les mêmes. Ils s’expriment et s’opposent comme ils le peuvent, malgré la violence et la répression. On peut cependant pour les besoins de notre analyse relevés les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion que sont les journalistes gabonais qui tentent, eux aussi au péril de leur vie de dénoncer les errements du pouvoir et informer les citoyens de leurs droits. Si ces journalistes sont aujourd’hui libérés, ils sont la cible régulière du pouvoir en place.
A la violence de la détention arbitraire, il faut ajouter des conditions d’emprisonnement dégradantes.

Si la quasi totalité des personnes interpellées a été relâchée, après quelques jours de privation de liberté, elles sont encore nombreuses à avoir été condamnées ou maintenues en liberté conditionnelle, dans le cadre de procès expéditifs et d’une justice sommaire, peu ou pas soucieuse du respect des droits et des procédures. Les personnes dans cette situation, considérées en réalité, comme des prisonniers politiques, peuvent être regroupées en 3 catégories :
- 6 personnes en détention préventive, depuis 8 mois pour certains
– ZIBI Bertrand
– AMIANG Landry Washington
– DJALLY Alain
– YEO Sihifowa Namogo
– BOUTOUNDOU Joël
– EDZANG Pascal (depuis 2015) - 15 prévenus en liberté provisoire
– NKEBASSANI Jamel
– NTUMBA Igor
– NGOULAKIA Léon Paul
– MEYE Annie Léa
– TOUSSAINT Georgette
– OLLO Firmin
– MAMBOUNDOU ENRIQUE
– RETENDET NDIAYE Anicet
– YAMA Jean Rémy
– ONDO ABESSOLO Roger
– KOUMBA ESSIANE Cyrlin
– MALEKOU GUIPIERI Marceau
– NDIMAL Barry
– GONDJOUT INDJENDJET Melvin
– HAORE Alex
– Carl MIHINDOU - 14 prévenus, en attente de jugement annoncé
– MENIE MBO Emmanuel Marcelin
– BOUSSOUGOU Dan Noé
– ANKELE CAMPEMBET NGOMA D
– BOUNDA Emmanuel
– IBONDJI Elidji Joris
– LASSY OLAGOT Jean Félix
– MAKOSSO MABIVAT Laurence
– MALANDI Didier
– NGOROUNA TANGARI Rudolph
– OVONO OBAME Abraham
– EDZANG fabrice
– AKELE MINKO Penila
– BOUDZANGA Cindy
– NGUEMA NDONG
Huit mois après les événements les arrestations et détentions arbitraires se poursuivent. Des séquestrations aux enlèvements, il y a une implication systématique d’exécutants cagoulés et opérant à bord de véhicules non identifiés. L’uniforme des forces publiques n’est plus de rigueur, ouvrant ainsi la voie, à toutes les dérives.
♦ Prisonniers d’opinions :
S’agissant des prisonniers d’opinion, on relèvera la violence et la traque dont certains journalistes sont régulièrement la cible au Gabon. Particulièrement exposés ; les journalistes du journal d’opinion Echos du Nord paient un tribu plutôt lourd. En effet ils comptent des journalistes en fuite en France , mais aussi des attaques de la police à leur siège ou encore des plaintes intempestives sans fondement juridique.
♦ Violation du secret des communications :
Sur invitation des autorités gabonaises, sanctionnée par un Protocole d’Accord signé entre les Ministères des Affaires Étrangères et de l’intérieur et la Mission d’Observation Électorale de l’Union Européenne de Juillet 2016, les observateurs européens recevaient mandat pour observer les élections et son contentieux en toute liberté pour en faire une évaluation impartiale et objective.
Or il est apparu que lesdits observateurs ont eux-mêmes fait l’amère expérience du manque de sincérité et de la violence des autorités gabonaises. En effet, alors qu’ils tentaient de rendre un premier rapport d’observation, ces derniers ont été victimes de la violation de leur droit au secret des communications (banalisation des écoutes téléphoniques assumée par les équipes de Monsieur Ali Bongo). Ils ont subi des menaces ouvertement proférées par les autorités gabonaises, contre leur intégrité physique.
Les conditions d’exercice des observateurs ont notamment été consignées dans un Rapport Final ; ce document ayant particulièrement servi de source quant à la Résolution adoptée par les Eurodéputés du 02 Février 2017. cf en annexe.
♦ Violation des libertés syndicales :
protégées par la Déclaration del’Organisation Internationale du Travail et art. 4 de la DéclarationUniverselle des Droits de l’Homme de 1948 Constitution Gabonaise art.1§13
La liberté syndicale est une chimère au Gabon. Elle es exercée par les intéressés au péril de leur vie, menacée, comme l’illustre la suspension illégale, des activités d’une des principales confédérations syndicales de l’Éducation nationale, la CONASYSED.
À cela s’ajoute le harcèlement permanent des responsables et des adhérents syndicaux, exposés aux arrestations et aux radiations professionnelles. Il en est particulièrement ainsi des enseignants dont 80 environ ont récemment été radiés de la fonction publique. Avec d’autres syndicalistes, l’un des principaux leaders du syndicalisme, a été gardé en milieu carcéral près de 3 mois (89 jours), sans jugement ni mise en accusation, avant d’être laissé en liberté conditionnelle.
Jean Rémi Yama :
« Après ces 89 jours de détention, je sors de là très fort, dix fois plus fort qu’avant, pour poursuivre le combat de la justice et de la vérité ! », a-t-il déclaré à RFI.
Officiellement, l’universitaire a été arrêté pour avoir lancé des cailloux contre des policiers. Une accusation qu’il a toujours rejetée.
« Il n’y a aucun élément. On ne m’a jamais présenté – même à l’instruction – un seul élément qui prouverait que j’ai lancé des cailloux aux policiers. J’ai toujours dit que j’ai été arrêté pour des raisons politiques », a-t-il précisé.
Extraits d’entretien à RFI « Gabon: libération du syndicaliste Jean Rémi YAMA »

♦ Blessures et Traumatismes :
A l’occasion du scrutin présidentiel du 27 Août 2016, les gabonais ont réclamés pacifiquement le respect du résultat des urnes. Les résultats annoncés par le pouvoir ne correspondant en rien aux différents procès-verbaux des élections. Ces manifestations de jeunes gabonais à mains nues a donné lieu à une répression sans pareil, précédée d’une attaque à l’arme lourde d’un des principaux points de rassemblement des gabonais : le quartier général de Jean Ping.
♦ Les blessés :
Le nombre des blessés dans les circonstances de l’attaque de nuit contre le QG de Jean Ping, comme ceux qui ont été touchés dans d’autres conditions, dans les quartiers ou à travers le pays, est à ce jour indéterminé. En effet, les actes d’intimidation de l’entourage de Monsieur Ali Bongo, ont pu dissuader certains blessés de se présenter dans les centres médicaux, allant parfois jusqu’à craindre des représailles dans ces enceintes. La corruption a été un facteur qui a dissuadé d’autres blessés, de se déclarer. Ce volet est certainement celui qui paraît le plus visible, du fait des nombreux témoignages, notamment à travers les reportages télévisés et la presse écrite.



IV – CRIMES, ENLÈVEMENTS, CHARNIERS
♦ Victimes et personnes portées disparues :
Sur le territoire national, dès les premiers jours de la contestation, la réplique de l’état a été la cause des premières blessures et des premières morts. La combinaison d’une stratégie planifiée, du recours à des escadrons anonymes, à des expéditions dans les quartiers et de l’usage disproportionné de la force face à des populations civiles, a brutalement accru le chiffre des personnes tuées. Le plus grand nombre a perdu la vie à la suite de l’assaut dans les locaux ayant servi de QG au candidat de l’opposition, Jean Ping. Au minimum 22 personnes (Voir Annexe 1) ont été recensées parmi celles qui ont trouvé la mort après l’assaut contre le QG de Monsieur Jean Ping.
Plusieurs facteurs n’ont pas favorisé ce travail et la réalisation des enquêtes. En plaçant, les premiers jours, certaines morgues, sous la surveillance de militaires surarmés, Monsieur Ali Bongo s’est délibérément opposé à la recherche de la vérité. Parmi les obstacles il convient de citer aussi, toutes formes d’obstruction, allant de la corruption de certaines familles des victimes à l’intimidation d’autres.
En relation avec le nombre des victimes ayant succombé durant l’assaut contre le QG de Monsieur Jean Ping, le mode opératoire des forces armées, appelle des investigations spécifiques eu égard à la gravité des faits en cause : attaque du QG, menée à renfort d’hélicoptère de combat, et visant des populations civiles; rafales de tirs aveugles contre des portes abritant des personnes sans arme ; interventions d’escadrons d’assaillants masqués, appuyés par des ambulances transportant les corps sitôt après les meurtres, en plusieurs navettes ; corps emportés vers des destinations inconnues, au cœur de la nuit de l’attaque survenue entre 1h et 4h du matin, etc.


Dans ce contexte où les faits restent imprécis, trois charniers présumés ont été identifiés. Seules des investigations appropriées permettront de réunir toutes les informations sur le nombre, provisoirement évalué à près de 150 corps, les conditions et causes des décès, sans omettre l’identification.
Au-delà du QG, des meurtres ont été perpétrés par des groupes armés, tirant sans sommation, à travers la ville. Des enfants ont trouvé la mort dans ces circonstances, abattus alors qu’ils avaient le dos tourné, alors qu’ils circulaient innocemment aux alentours de leur domicile.
Des cas de personnes brûlées vives, après avoir été arrosées de liquides inflammables, sont connus. De tels cas odieux, commandent d’identifier les auteurs à des fins de justice et de lutte contre l’impunité.


Sur ce plan, en particulier, celui des crimes, de la disparition des corps et des charniers, l’assistance internationale des Organisations internationales, notamment l’ONU et des ONG internationales, rompues aux enquêtes dans ce type de situation, s’avère impérieuse. Ce qui compte ce n’est pas tant d’opposer le déni des crimes, comme le fait le pouvoir sortant, aux chiffres avancés par les familles ou proches des victimes, que d’établir avec clarté un décompte réel, tout en ayant à l’esprit la recherche des responsabilités.
♦ Négation des droits fondamentaux et usage disproportionné de la force :
La négation des droits fondamentaux a pris une forme supplémentaire : l’usage disproportionné de la force armée, face à la population civile. Le déploiement militaire dans toutes ses composantes du point de vue des corps d’armes d’une part, et de l’arsenal des équipements (chars, avions et hélicoptères de combat, etc.) d’autre part, est digne d’un état de guerre. Couvrant tout le pays sur la durée, il traduit une préméditation manifeste de soumettre la population civile à l’intimidation et à la répression armées. Désormais sans défense, la population gabonaise se trouve privée de la protection dont la garantie, en droit international, incombe à chaque État. Sevrés de la protection dont tout Etat est le garant pour son peuple, les gabonais attendaient à bon droit, un nouvel examen de la situation du pays devant la tribune du Conseil de Sécurité de l’ONU, en vue de se placer à terme sous la protection de la communauté internationale. Le rétablissement des droits fondamentaux obéit à des standards internationaux auxquels le Gabon ne peut pas se soustraire impunément.

CONCLUSION : Le spectre de la guerre civile
Depuis le 27 Août 2016, date de l’élection présidentielle gabonaise, la mobilisation citoyenne ne faiblit pas et touche tous les secteurs d’activités. Elle prend la forme de grèves, de meetings…Face à cette détermination, la seule réponse du pouvoir est la répression par les forces armées de toutes les poches de contestation. Les gabonais sont nombreux semble-t-il à s’être affranchis de la peur tant le niveau d’exaspération et de colère du peuple est à son paroxysme. Aussi au dispositif militaire qui symbolise désormais au quotidien, la relation de Monsieur Ali Bongo au peuple gabonais, il suffirait du choix d’affrontements prolongés dans le face à face ‘’manifestations – répression’’, pour que le climat de guerre civile de positionnement ou virtuel, devienne une réalité tragique. Le Gabon est une poudrière à ciel ouvert qui peut éclater à tout moment, laissant craindre une guerre civile opposant combattant de la liberté et forces de sécurité du pouvoir.
Cette tension et ce risque d’enlisement nous oblige à nous porter vers vous pour que soit trouver une issue pacifique au conflit qui couve au Gabon. Il est constant que la protection des droits citoyens par les pouvoirs publics et l’assurance d’une justice équitable pour tous n’ont aucune réalité dans ce pays d’à peine 1 500 000 âmes.
Le principal objectif de ce rapport est un appel aux instances internationales compétentes, pour aider les populations à :
- établir les faits constitutifs des graves violations des droits humains enregistrées depuis août 2016
- établir les responsabilités
- permettre aux parents des victimes de faire leur deuil
- répondre à l’appel à la détresse de populations qui, après la première vague des violations, reste sous la menace d’un Etat qui n’est plus le garant de la protection des populations
- réunir les conditions de la justice et des réparations dues aux victimes
ANNEXES
Annexe 1
https://observers.france24.com/fr/20141219-arrestation-notre-observateur-edvin-ballack-obame-etudiant-libreville
https://www.youtube.com/watch?v=4Q_UJ8fKsC4
Annexe 2
Mission d’ Observation Electorale de L’Union Européenne : Rapport Final – République Gabonaise.
Annexe 3
Personnes ayant trouvé la mort, suite à l’assaut contre le QG